Téléexpertise : quel cadre réglementaire ?

En mettant l’accent sur l’expertise médicale partagée et la collaboration entre professionnels de santé, la téléexpertise ouvre la voie à une médecine plus accessible, plus réactive. Son usage n’a cessé de s’accélérer ces dernières années, d’une part parce qu’elle répond aux enjeux actuels d’accès aux soins, mais aussi parce que l’Assurance Maladie a beaucoup élargi ses conditions d’accès et assoupli son cadre réglementaire au sens large. 

Cet article propose un état des lieux à date du cadre réglementaire de la téléexpertise et un retour synthétique sur les grandes évolutions qui ont marqué ces dernières années.

Sommaire

Cadre réglementaire de la téléexpertise : la situation actuelle

Quels professionnels peuvent avoir recours à la téléexpertise ?

Depuis février 2019, la téléexpertise est reconnue en tant qu’acte médical encadré et rémunéré. Tous les professionnels de santé peuvent aujourd’hui y avoir recours, mais tous ne peuvent pas coter l’acte (voir détail dans la partie suivante).

Quels professionnels peuvent solliciter, coter, rendre un avis de téléexpertise ?

Le cadre réglementaire de la téléexpertise évolue rapidement, et d’autres évolutions sont à prévoir dans les mois à venir. Voici un état des lieux de la situation actuelle : 

Profession Peut solliciter des avis Peut coter les demandes d’avis Peut formuler des avis Peut coter les formulations d’avis
Médecin généraliste 
Médecins spécialistes
Sage-Femme
Infirmier
Orthophoniste
Kinésithérapeute
Pédicure-podologue ✔ 
Dentiste ✔  Avenant attendu (26/01/2025) Avenant attendu (26/01/2025) Avenant attendu (26/01/2025)
Autre auxiliaire de santé

Cas particuliers : 

  • Les actes de téléexpertise entre médecins d’un même hôpital ne peuvent pas être cotés.
  • Les infirmières en pratique avancée ne sont pas autorisées à effectuer une demande de téléexpertise auprès du médecin qui leur a adressé un patient.

Quelles lettres-clés pour coter un acte de téléexpertise ?

Le professionnel requérant cote sa demande de téléexpertise en utilisant la lettre-clé RQD. Le professionnel requis cote son avis médical en utilisant la lettre-clé TE2.

Au cas par cas : 

  • Les professionnels de santé exerçant une activité 100% libérale cotent les actes de téléexpertise via leur logiciel de facturation, en utilisant les lettres-clés citées ci-dessus.
  • Les professionnels de santé exerçant une activité 100% hospitalière cotent les actes de téléexpertise via le GAM  (système de Gestion Administrative des Malades) de l’hôpital. 
  • Les professionnels de santé exerçant à la fois en libéral et en hospitalier doivent faire la distinction entre les téléexpertises qu’ils pratiquent : ils cotent les actes de téléexpertise via leur logiciel métier s’ils sont effectués dans le cadre de leur fonction libérale, ou via le GAM de l’hôpital dans le cas contraire.

Quelles sont les limites en volume et en nombre pour la rémunération de la téléexpertise ?

Il est important de préciser qu’un médecin ne peut réaliser plus de 20% de son volume d’activité à distance (téléconsultations et téléexpertises cumulées) sur une année civile. Remarque : cette limite sera levée avec la mise en application de la nouvelle convention médicale 2024-2029.

Par ailleurs, l’Assurance Maladie rémunère les professionnels de santé dans la limite de 4 demandes par an et par couple médecin requérant / patient. Des règles particulières sont appliquées par profession en fonction des négociations mono-professionnelles.

Les grandes évolutions réglementaires de la téléexpertise

2010 : 

La loi Hôpital Patient Santé et Territoires (HPST) de juillet 2009 (aussi connue sous le nom de loi Bachelot) définit pour la première fois la télémédecine comme une forme de pratique médicale et l’intègre dans le code de la santé publique. Le décret n° 2010-1229 du 19 octobre 2010 définit les différentes formes de télémédecine, dont la téléexpertise, et établit le cadre juridique pour leur pratique.

2014 – 2018 : 

Les premières expérimentations de financement dérogatoire de la télémédecine ont eu lieu entre 2014 et 2019, permettant d’élargir progressivement l’accès à la téléexpertise. La loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2018 a intégré le financement des actes de téléexpertise dans le droit commun de la Sécurité Sociale, marquant un tournant dans son développement. 

2019 :

L’entrée effective de la téléexpertise dans la nomenclature des actes professionnels en France a été officialisée avec l’avenant 6 à la convention médicale, signé en 2018 et mis en œuvre en 2019 (texte et annexes). Deux types de téléexpertise sont alors définis, qui sont fonction de la complexité du dossier du patient et de leur fréquence, et qui donnent lieu à des actes et des tarifs différents.

2022 :

L’entrée en vigueur de l’avenant 9 en avril 2022 signe de nombreux assouplissements de la réglementation et un élargissement de la téléexpertise. 

  • La sollicitation d’avis par téléexpertise devient possible pour tous les patients, sans critère d’éligibilité.
  • La sollicitation d’avis par téléexpertise s’ouvre à l’ensemble des professionnels de santé (la rémunération du requérant dépend des négociations mono-professionnelles).
  • Les deux types de téléexpertise qu’avait établi l’avenant de 2019 sont réduits à un seul type d’acte.
  • Les médecins requérants qui étaient jusqu’ici rémunérés selon un forfait annuel le sont désormais à l’acte (comme les médecins requis).


2024 : 

L’Union nationale des caisses d’assurance maladie (Uncam), l’Union nationale des organismes complémentaires d’assurance maladie (Unocam) et 5 des 6 syndicats représentatifs des médecins libéraux – MG France, Avenir-Spé Le Bloc, la CSMF, la FMF et le SML (1) – ont signé le 4 juin 2024 la nouvelle convention médicale pour la période 2024-2029. Revalorisation de l’acte de téléexpertise du médecin requis (passage à 23 euros au 1er janvier 2026) et l’affranchissement de la limite des 20% du volume d’activité globale sur une année civile font partie des évolutions majeures.

La suite ?

La pratique de la téléexpertise et la possibilité de coter l’acte s’ouvrent progressivement à de plus en plus de professions médicales. Les négociations actuelles entre les différents représentants des professionnels de santé et l’Assurance Maladie laissent penser que ce mouvement devrait se poursuivre dans les mois qui viennent.

 

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